lundi 22 février 2010

La forme olympique

Mais que se passe t'il ?
Il fait noir, je n'y vois goutte.
Je suis immobile, me sens incapable de mouvoir quoi que ce soit, et ne sens pas mes membres, sans que cette sensation ne me soit désagréable.

Je suis dans un espace confiné apparemment, mais je ne ressens aucune difficulté de respiration.
Ou suis-je ? Pourquoi suis-je contraint à l'immobilité, pourquoi cette impression de solitude détachée ? C'est étrange je ne me suis jamais encore senti ainsi.
Mais silence ! On vient, j'entends des bruissements, des pas qui se rapprochent. Des voix qui me semblent venir d'un pays nordique me parviennnent enfin.
Elles se rapprochent, elles sont là. Et j'entends un loquet se libérer, une porte coulisser.
Puis je suis soulevé. Sans ménagement aucun. C'est un violent tourbillon, je me sens tourné sur moi même, suspendu.
Etrangement, même balloté comme je suis sûr de l'être, je ne ressens aucunement la tête me tournant, ou mon ventre se soulevant.
Comme conscient de la sensation, mais n'en subissant aucune conséquence physique.
Puis un rythme plus régulier, de croisière, s'installe. Je suis affolé un instant de comprendre que je suis dans un sac, porté par la main d'une femme, avec tant de facilité. Comment est-ce possible, étant proche du quintal ?
Sur notre trajet nous croisons maintenant d'autres personnes. A en juger par le nombre des langues pratiquées au fil de notre avance, l'endroit dans lequel je me trouve, et sur lequel je ne dispose d'aucune information est à vocation internationale. Les échanges sont toujours brefs, concis, et je comprends parmi certains des encouragements, des mots amicaux, des étreintes brèves et intenses.
Puis le son se fait plus présent progressivement, et augmente rapidement maintenant. Quelques invectives, de nombreux bavardages se succèdent, mais j'entends, sans aucun doute, un public. Je suis transporté dans un sac ou une valise à bout de bras, par une femme qui se dirige tout droit vers un stade, une salle de concert, de cinéma, un théatre ou un meeting politique.
Puis je ressens comme une baisse rapide de la température pendant que l'on pénètre dans une salle qui résonne, et dont l'écho et la circulation des sons me convaint qu'elle est close, contient des centaines de personnes, des multitudes de conversations, que son plafond me semble immensément haut, bien que je ne doute pas de sa présence.
Puis je perçois une tension physique autour de moi, comme si mon contenant était tiré vers le haut, un bruit de fermeture éclair me parvient, ça y est je vais être libéré !
Et je suis saisi.
Cette fois ci directement soulevé par une main féminine. Quelle surprise de sentir cette main m'empoignant, tout en étant sûr que cela est impossible. Je tends l'oreille et suis frappé de stupeur de me découvrir à Vancouver, dans le stade olympique, et que va se dérouler un match de curling. Je réalise alors, comme si cela m'était parfaitement naturel que je suis privé de la vue, tout autant que de mouvement.
Je n'ai pas le temps de le constater, que je suis caressé par une peau de chamois, plusieurs fois. Et en en ressentant énormément de plaisir, la peau vivement lustrée par le linge, sous la main de cette femme qui m'a extirpé de mon placard, porté de ses bras, et délivré de ce sac.
Puis je suis posé sur la glace, à plat. Je ressens alors que je suis à ma place, instinctivement. C'est pourtant de la folie, mais campé là, sur le dos, le long d'un revêtement gelé, et parfaitement lisse, je sais être à ma place.
Mais que suis-je ?
La main me saisit, me tourne, me retourne, me fait glisser légèrement. Quelle bonne sensation. Comme je me sens bien. Puis je ressens une poussée uniforme, je me tourne sur mon axe. La prise de la main se rafermit, puis délicatement, avec une extrême douceur et très progressivement relâche son étreinte.
Ca y est, je file, je glisse sur la glace, pour un temps qui me parait infini.
D'abord rectiligne, ma trajectoire s'incurve légèrement, j'entends, comme étouffés dans les oreillers d'une caisse-claire, des cris, des encouragements, et je file sans accroc, dans une douceur infinie, le ventre offert au plafond, jusqu'à un bref choc, intensément surprenant, puis un second qui l'est tout autant, tant il est rapide à succéder au premier.
Je sens enfin ma trajectoire mourir, deux fois déroutée par ces collisions légères, pour finir par m'immobiliser totalement, mon épaule reposant sur une autre épaule.
Les cris de joie, les applaudissements prolongés, les congratulations, et mains qui se tapent, ce devait être un beau lâcher de pierre !
Je suis fier d'en être ! Vous rendez vous compte ? Les Jeux Olympiques. Tout à mes surprises successives, j'avais oublié que c'étaient des Jeux de Vancouver dont il s'agissait. Quelle étrange et puissante fierté de me dire que j'en étais un acteur. Passif, certes, mais acteur quand même.
Une voix familière s'adresse à moi, dans la direction de l'épaule contre laquelle je me suis échoué. C'est Pa, mon voisin.
'Tiens salut Pa. Toi aussi tu fais les Jeux Olympiques ? C'est génial, non ? '
Sans avoir le temps de recevoir sa réponse, un pied me dégage du chemin, fermement, et m'envoie bouler contre des rambardes délimitant la piste.
Piteuse sortie pour la pierre que je suis.
J'aurais rêvé mieux comme baisser de rideau, pour tout avouer, mais je suis content d'avoir expérimenté le troublant plaisir du lancer de pierre, et je suis aux Jeux Olympiques de Vancouver, tabernacle !
'On se voit demain, Pa ?'

dimanche 21 février 2010

Dimanche de campagne à Paris

J'aime les dimanche.
Le dimanche, quand je suis dans ma bonne ville de l'Ouest Parisien, je prends le temps pour la mise en route, plus encore que n'importe quel jour.
C'est le jour de la semaine ou l'on prend tranquillement un copieux petit déjeuner, ou l'on passe devant le guichet du loto, son ticket bien au chaud dans le portefeuille, que l'on évite soigneusement de vérifier, afin de faire durer l'espoir du gain maximal, aussi hasardeux que douteux d'un point de vue moral si l'on considère la difficulté que beaucoup d'entre nous ont a boucler le budget péniblement mois après mois.
C'est aussi jour de marché.
Le marché le dimanche, c'est la vie, les rencontres de voisins, de connaissances professionnelles, hors cadre habituel, c'est aussi le plaisir anticipé des bons petits plats que l'on prévoit de se concocter, la rencontre de nos blanches mains de tertiaires avec les produits du terroir, ou la main calleuse du commerçant. Un véritable voyage !
Mais le dimanche quand on est en période électorale c'est aussi et surtout la maîtrise du parcours, l'anticipation des déplacements, la mobilité du regard qui doit pouvoir se détourner au plus vite, tout cela pour éviter de se faire alpaguer par les braves 'croyants' qui soutiennent encore une étiquette ou une personnalité locale, et tentent, tout en vous fourgant un papier qui encombrera votre panier jusqu'à ce qu'il encombre votre poubelle puis la décharge ou l'incinérateur, d'entamer un dialogue qui pourrait déboucher sur ce que vous représentez, en somme : un vote.
Ils sont courageux ces aveugles qui attachent tant d'importance à soutenir leur mouvement, à tenir le pavé auprès de nous qui sommes prêts à prendre notre plaisir dominical, mais qui n'avons aucune, mais vraiment aucune envie d'écouter les âneries partisanes de tous bords.
Alors nous nous organisons pour éviter le maillage serré, à droite, à gauche, au centre et sur les ailes. Notre esprit embrumé s'est immédiatement resaisi devant le danger, et parvenir à la bousculade des allées sans arrêt imposé par un tract dans la figure mobilise toute l'énergie qu'il est possible de déployer en ce jour au ralenti.
Il arrive tout de même parfois que l'on choisisse une réponse préparée à l'avance devant l'obstacle.
'Non merci' est la plus neutre, la plus courante.
'je ne partage pas vos idées' est bien courageux, et peut être dangeureux, bien que très sobre.
'j'ai déjà donné' peut faire très bon effet, si vous arrivez à bien planter le distributeur de tract dans la foulée.
'grrrrmmmmm' en bousculant l'individu est recommandé, surtout si votre solliciteur est malingre et porte des lunettes
'vous croyez encore à ces conneries ?' accompagné d'un regard condescendant mais aussi incrédule vous garantit la paix immédiate, et vous pouvez même rester sur place, et prendre votre temps.
Aujourd'hui, j'ai eu droit à un : 'douze milliards', balancé sans préavis par une militante du PS dont j'ai croisé le regard.
Evidemment j'ai passé mon chemin. Douze milliards ? Quoi douze milliards ? Du marchand de volaille, en passant par le poissonnier, le fleuriste, le 'primeurs', le charcutier et le boucher, c'était ma préoccupation. Douze milliards ?
C'est un argument électoral, ça ? Une accroche valable pour le quidam qui va faire ses achats ? Douze milliards de quoi ? D'euros ? Ca fait combien, douze milliards ?
C'est ça la politique sur les marchés ?
Bon, je vais aller 'checker' mon bulletin de loto....